LE RISQUE SISMIQUE EN PROVENCE

 

LA DÉFORMATION ACTIVE DU SUD-EST DE LA France

 

Conférence-débat de M. Olivier Bellier le 13 Janvier 2005

Faculté de Pharmacie à Marseille

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Olivier Bellier est un spécialiste de l’étude des failles. Il a travaillé au CNRS Orsay, à Aix-Marseille 3, est membre du Comité National de Géologie et est actuellement au CEREGE. Ses travaux l’ont mené à Sumatra et à l’Ouest des USA.il étudie actuellement les failles en Iran et dans le S-E de la France.

 

Il est difficile de résumer convenablement un exposé essentiellement basé sur la présentation d’un grand nombre de schémas, plans, photos aussi intéressants les uns que les autres. J’essaierai de dégager au mieux les éléments les plus importants du dossier très complexe qui nous a été présenté en précisant qu’il se base sur les plus récentes informations obtenues par les chercheurs dans un cadre européen (dont Juillet 2004 pour les failles de la Trévaresse et de la Moyenne Durance qui nous concernent).

 

QUELQUES DONNÉES DE BASE :

L’activité sismique et l’activité volcanique sont la conséquence de la tectonique des plaques et constituent la vie de la Terre. Leur répartition se situe, pour l’essentiel, le long des limites de ces plaques.

Les mouvements relatifs de ces plaques peuvent être :

-         des écartements, donnant naissance à des « rides » océaniques ou , en surface, à fossés comme tout l’Est africain (rift africain et mer Rouge),

-         des rapprochements, soit par subduction plaque océanique sous plaque océanique, ou entre plaque océanique et plaque continentale ((ex : Indonésie), soit par collision  entre plaques continentales (ex : Himalaya où l’Inde, qui s’est séparée de Madagascar il y a 70 millions d’années, percute en se raccourcissant la plaque eurasienne.

Un cas particulier de ces rapprochements : les failles transformantes avec déplacement latéral en supplément (ex : San Andreas aux USA).

Il y a donc un continuum entre océanisation, subduction et collision .

 

LE TREMBLEMENT DE TERRE :

Le tremblement de terre est la catastrophe naturelle la plus destructive en terme de vies humaines et de conséquences économiques. C’est un problème sociétal.

On appelle alea sa probabilité et risque les conséquences de cet alea d’après la vulnérabilité du lieu. Nous ne pouvons qu’agir sur cette vulnérabilité par les règles parasismiques et par l’information.

On peut distinguer pour un tremblement de terre :

-         la cause : mise sous contrainte des terrains par le mouvement des plaques tectoniques,

-         le déclenchement : par rupture de la couche terrestre rigide,

-         le déroulement : par propagation de cette rupture le long d’un faille préexistante.

La rupture occasionne le relâchement des contraintes en réponse au lent mouvement des plaques.

Le cycle sismique comporte deux étapes :

-         inter sismique : accumulation lente des contraintes,

-         co-sismique : libération brutale des contraintes

D’où résulte la notion importante de répétitivité des séisme en une zone donnée.

L’énergie libérée lors d’un séisme est liée à deux paramètres : la surface de la rupture et la longueur de la faille impliquée (plus la faille est longue, plus l’énergie sera importante).

En conclusion : là où la terre a tremblé, elle tremblera de nouveau .

 

LES OUTILS DE PRÉVENTION :

En l’absence de prévision il est nécessaire de faire de la prévention par reconnaissance des zones à risques, par l’information et par la protection.

La reconnaissance des zones à risque passe par 3 étapes :

-         localiser les failles

-         quantifier la déformation associée (vitesse)

-         comprendre le comportement (cycle sismique)

On dispose de 3 outils pour apprécier l’alea sismique :

-         la sismologie (échelle de temps : seconde ou minute)

-         la géodésie (échelle de temps : 1 à 100 ans)

-         la tectonique (échelle de temps : de 1000 à un million d’années)

La sismologie permet aussi de comprendre la structure de la terre grâce aux sismogrammes enregistrés.

La géodésie étudie la forme et les dimensions de la terre, soit par les relevés géodésiques classiques, soit par la géodésie spatiale grâce au GPS. Elle permet de mesurer les déformations en période inter-sismique comme lors d’un séisme (ex : mesures obtenues sur la faille de Sumatra près du lac Toba). On peut ainsi apprécier l’importance des contraintes qui s’accumulent avant leur libération brutale.

La tectonique se penche sur l’histoire des terrains à proximité des failles reconnues. Un cas facile est celui de San Andreas car la faille est très visible.

 

LES SÉISMES EN FRANCE

Le Sud-Est constitue une zone à séismicité modérée mais non négligeable.

En Méditerranée occidentale il y a collision (faible : environ 6mm par an) entre les plaques continentales Afrique et Eurasie : le Sud-Alpin rencontre la Vieille Europe (d’où les Alpes) et la Péninsule Ibérique en fait autant (d’où les Pyrénées).

Le Sud-Est est l’avant pays de deux chaînes jeunes (Alpes et Pyrénées) et d’une chaîne ancienne (Massif Central) ; les vitesses y sont très faibles, de l’ordre de 0,1 mm par an. Les failles ne sont donc pas faciles à repérer. Elles sont globalement orientées Est-Ouest ((Trevaresse, Lubéron, Nîmes, Salon-Cavaillon) .

La faille de Moyenne Durance a fait l’objet d’études approfondies car il s’agit d’une faille longue, donc à risque de gros tremblement de terre. Elle est active sur les 3 outils d’observation cités plus haut (dont 4 évènements majeurs sur 5 siècles). Sa localisation n’est pas partout facile (nombreux schémas et photos présentés en séance). Elle comporte dix segments dont le plus long fait 17 km.

En utilisant la formule de calcul de la magnitude du moment on aboutit à une possibilité de séisme de 6,3 par segment et de 7 si toute la faille est affectée au même instant , ce qui semble peu probable. Néanmoins il faut préciser que l’on connaît mal les effets potentiels de déplacement à vitesse lente (ici 0,1mm/an , tant sur 15 millions d’années qu’à la seule échelle du quaternaire récent (on trouve même 1,2m sur les derniers 26000 ans soit 0,04mm/an). Une comparaison entre les nivellements effectués en 1890 et en 1968  pour la voie ferrée donne 1cm en 78 ans soit 0,13 mm/an. On est donc bien sur des vitesses faibles.

Les examens de terrain (tranchées profondes) montrent, en paleo-sismicité une récurrence de tremblements de terre de 10000 ans, pour une magnitude (énergie) de 6,3 avec un déplacement maxi de 1 mètre à cette occasion. (On examine pour cela, grâce à des tranchées en travers de la faille, les tombées de terrain  consécutives à ces séismes, tombées masquées par les dépôts sédimentaires qui les recouvrent).

Le séisme de 1909 de la Trévaresse ou de Lambesc (magnitude 6) qui fait partie de la faille d’Aix, prolongement vers le Sud de la faille de Moyenne Durance. L’activation de la totalité de cette faille d’Aix entraînerait un séisme maxi de 6,2 à 6,3 : on n’en était donc pas loin en 1909.

Pour cette faille la vitesse de déplacement mesurée sur 10 millions d’années est de 0,01 à O,05 mm/an. La récurrence raisonnable des séismes est donc estimée à 10000ans (en fait entre 4000 et 40000 ans). Tout ceci résultant de l’étude des terrains sur de nombreuses tranchées transverses.

MAIS : on s’interroge toujours sur le comportement sismologique des failles lentes…et notamment sur la récurrence des séismes en pareil cas.

 

SUMATRA :

Le récent séisme est d’une magnitude de 9, conséquence d’une rupture sur 1000 km de long, de Sumatra jusqu’aux  îles Andaman. (Un tel événement est peu probable en Méditerranée)

C’est un séisme de subduction, la plaque océane indo-australienne glissant sous la plaque eurasienne (bloc de la Sonde). La vitesse de convergence y est de 60 à 70 mm/an (la Méditerranée se referme à raison de 5mm/an). La longueur totale de la faille de subduction atteint 3000 km.

De plus il s’agit d’une convergence oblique (composantes transversale et longitudinale par conséquent). Elle a engendré une autre faille de 1650 km sur toute la longueur Ouest de Sumatra passant par le lac Toba.  On y a mesuré un déplacement longitudinal de 10 mm/an au Sud mais de 25 mm/an au Nord d’où l’accumulation de fortes contraintes le long de cette faille. Mais on ne dispose que de 2 siècles d’histoire de la séismicité dans cette région.

Le récent séisme, survenu au large, a probablement « rechargé » la zone Nord Sumatra de cette faille où on peut craindre un prochain séisme de grande ampleur, qui serait à nouveau catastrophique pour Banda Aceh, la seule ville importante de cette région de forêt primaire.

 

RAZ DE MARÉE EN MÉDITERRANÉE ?

Bien que se déclarant non-compétent en matière de tsunami, le conférencier rappelle qu’un séisme de magnitude 6,8 à 6,9 (maxi probable en Méditerranée) n’engendre qu’une faible vague de 50 cm qui passe inaperçue. Ce fut le cas pour le séisme de Boumerdes : la vaguelette est arrivée très amortie sur nos côtes après 100 minutes environ.

 

                                                                                                          Francis Decool

           14 Janvier 2005