Le
Conseil Habitat-Santé
Carmel
CHARPIN-KADOUCH1, Sandrine BOUTIN-FORZANO2, Marion
GOUITAA2, Sophie CHABBI1, Gilles MAUREL1,
Delphine TCHILINGUIRIAN1, Khrofa LEHTIHET1,
Jacqueline ROSSELLO1, Rachel FELIPO1, Audrey
TAGLIAZUCCHI1, Rachid GUETTALA1, Jean-Louis
BERNARD1,3, Gérard COHEN1,4,
Michel AYACHE1,4,
Joël LEVY1,4, Bernard
HUGUES1,4, Denis
CHARPIN1,2. 1
Maison de
l’Allergie et de l’Environnement, Marseille 2
Service de
Pneumologie-Allergologie, Hôpital Nord, Chemin des Bourrelly, 13915
Marseille Cedex 20 - Tél : 04.91.96.86.31 Fax :
04.91.96.89.02 3
Service d’Oncologie Pédiatrique CHU Timone Enfants, Marseille 4
Médecin libéral,
Marseille RESUME
Le cours évolutif des maladies allergiques respiratoires est directement influencé par l’exposition du patient aux allergènes et polluants domestiques. Il apparaît donc logique, et une étude multicentrique française a montré la pertinence de cette approche, de réaliser une étude de l’environnement domestique, suivi de la formulation de conseils tenant à l’aménagement et/ou à l’entretien du logement, aux patients les plus sévères, ceux dont l’allergie est la plus vive et ceux dont l’état clinique se dégrade à domicile. Ce nouveau service, effectif depuis le début de l’année 2002 en Région PACA, est financé par les Collectivités locales. Il intervient exclusivement à la demande d’un médecin, généraliste ou spécialiste. MOTS-CLES :
ASTHME. ALLERGIE. POLLUTION INTERIEURE. ALLERGENES. POLLUTION
CHIMIQUE. EVICTION. Introduction
Pollution
domestiques et pathologie respiratoire
Le
rôle délétère de l’exposition aux allergènes chez le patient
allergique, atteint de rhinite et/ou d’asthme allergique, est
aujourd’hui bien démontré [1]. En conséquence, l’éviction des
allergènes représente un volet important de la prise en charge de ces
affections. Toutefois, le médecin en consultation n’a pas une représentation
exacte de l’environnement domestique du patient et ce dernier n’est
pas toujours suffisamment bien conseillé pour mettre en œuvre les
mesures d’éviction qui lui sont proposées. Par ailleurs, à côté ou
en association avec les allergènes, les sources de polluants chimiques se
multiplient au domicile et contribuent à l’apparition ou à
l’amplification de pathologies respiratoires
ou multiviscérale. D’où l’idée d’envoyer au domicile du patient
des personnes capables de faire l’inventaire des risques et de proposer
des mesures correctives. Evolution
des idées
Dans
un premier temps, le concept a été développé dans certains pays
d’Europe du Nord (Suède, Allemagne, Belgique, Luxembourg), sous la dénomination
d’ « ambulances vertes » [2]. En France, le concept a
été repris au début des années 90 par le
service de pneumologie des Hospices Civils de Strasbourg et appliqué
aux allergènes acariens. Une étude multicentrique française a montré
la faisabilité et l’intérêt de cette approche : par rapport à
la consultation de l’allergologue, la visite à domicile d’un
personnel spécialement formé permet de donner à la famille un plus
grand nombre de conseils, ces conseils sont mieux suivis et aboutissent à
une baisse plus marquée du taux des allergènes acariens [3]. Plusieurs
avancées ont ensuite vu le jour et abouti au service actuel de
« Conseil Habitat-Santé »
ou C.H.S proposé par la Maison de l’Allergie et de l’Environnement. En
premier lieu, il
est apparu indispensable, dans les logements insalubres contaminés par
les moisissures, de procéder à une identification mycologique du fait
que certaines moisissures libèrent des mycotoxines dont la toxicité expérimentale
est avérée [4]. En second
lieu, la
pollution chimique, tenant aux matériaux de construction et /ou aux
produits d’entretien du logement, a un impact indiscutable sur la santé
[5]. et doit être évaluée. Enfin, il
apparaît clairement qu’un CHS appelé à visiter le logement d’un
patient allergique ne peut se désintéresser des autres risques de
l’habitat. En d’autres termes, il est dommage de ne pas mettre à
profit la visite au domicile d’un professionnel médico-social pour
faire l’inventaire des différents risques de l’habitat. Organisation
du Conseil Habitat Santé (C.H.S.) Qui
demande l’intervention des C.H.S. ?
C’est
uniquement le médecin, généraliste ou spécialiste, quand il considère
que l’état de santé du patient dont il a la charge dépend, au moins
en partie, de ses conditions du logement. Comment
se déroule la visite ?
La
famille adresse à nos services un courrier comportant
d’une part la demande écrite du médecin, d’autre part
l’autorisation de la
famille de pénétrer à son domicile. Rendez-vous
est pris. Une équipe de 2 personnes se rend au domicile : -
une
personne rempli avec la famille un questionnaire détaillé, -
l’autre
effectue des prélèvements.
Le
questionnaire, concerne
l’environnement extérieur, les caractéristiques de l’habitation, le
mode de chauffage, les signes
d’humidité, la ventilation, l’aménagement
(notamment de la
chambre du patient) et la présence d’animaux domestiques. Divers
prélèvements et mesures peuvent être réalisés : -
mesure
de la température et de l’hygrométrie ambiante et murale, ainsi que du
« point de rosée »(cette mesure permet en un point donné de
déterminer la probabilité de condensation d’eau), -
évaluation
de la contamination par les allergènes acariens du matelas du patient et
éventuellement d’un tapis ou d’une moquette de la chambre à coucher,
par l’Acarex-test â, -
prélèvements
par la technique du papier collant sur des surfaces comportant des
moisissures visibles et en l’absence de moisissures si l’hygrométrie
dépasse 75%. Une étude récente de notre équipe démontre en effet les
liens très étroits qui lient un fort taux d’hygrométrie mural avec la
présence d’une moisissure sécrétant de puissantes mycotoxines, dénommée
Stachybotrys chartarum
[6]. L’examen microscopique de la lame donne un reflet exact des souches
de moisissures se trouvant sur la surface échantillonnée. Un écouvillonnage
est réalisé en parallèle pour mise en culture et typage des souches, -
pose
de tubes passifs pour la mesure des oxydes d’azote, des aldéhydes et
des composés organiques volatils (C.O.V.), à l’initiative du
conseiller. Le tube « passif » est constitué d’un petit
cylindre de verre dans lequel le polluant pénètre par simple diffusion
et va s’adsorber. le tube est en général laissé en place pendant une
semaine, puis adressé à un laboratoire spécialisé qui effectue la désorption
et le dosage du polluant. Conclusion
de la visite A
l’issue de la visite, les C.H.S. remettent à la famille une
liste de conseils concernant Si
les C.H.S. constatent au cours de la visite de graves défauts du bâti et
/ou des peintures écaillées dans un logement ancien abritant un enfant
âgé de moins de 6 ans, ils invitent la famille à saisir, après
information du propriétaire, la D.D.A.S.S. ou le Service Communal
d’Hygiène et de Santé pour vérifier l’absence de plomb dans ces
peintures dégradées. Aspects
logistiques
La
Maison de l’Allergie et de l’Environnement est une association loi
1901 créée en décembre 2001, dont le fonctionnement a débuté au mois
de mars 2002. Elle est située au 20, bis rue du Docteur Combalat, 13006
Marseille. Le
personnel, se compose de 9
employés. Ces employés ont des formations initiales diverses :
microbiologie, psychosociologie, gestion des risques, architecture,
contrôle de qualité. Ils ont suivi une formation
universitaire spécifique ( cf. infra) Le
financement, est assuré
exclusivement par les Institutions : Etat, Ville de Marseille,
Conseil Général des Bouches-du-Rhône, Conseil Régional
PACA, Communauté Urbaine Marseille Provence, C.R.A.M. du Sud-Est. Formation Elle
est assurée notamment depuis
l’année universitaire 2002-2003 à la Faculté de Médecine de
Marseille par un Diplôme
Universitaire accrédité
par l’Université de la Méditerranée.
Ce diplôme de 160 heures de formation théorique et pratique dispensées
par 25 enseignants d’horizons professionnels variés (architecte,
inspecteur sanitaire, juriste, sociologue, épidémiologiste, toxicologue,
microbiologiste, pédiatre, dermatologue et Médecin Conseil de la Sécurité
Sociale). La diversité d’origine professionnelle des étudiants
est tout aussi grande. Cas
particuliers
Stachybotrys
chartarum. Cette
moisissure présente des caractères particuliers : affinité marquée
pour l’eau [6] et
la cellulose ce qui en fait le contaminant privilégié des papiers-peints
et du placo-plâtre. Les toxines qu’elle secrète ont été incriminées
dans les épidémies d’hémorragies alvéolaires survenues aux
Etats-Unis en 1993 et 1994
chez des nourrissons, d’où son surnom de « Toxic mold »
[7]. De ce fait, une conduite pratique rigoureuse a été édictée pour
la gestion des locaux qu’elle a contaminé. Ces recommandations ont été
notamment formulées par l’Académie Américaine de pédiatrie [8] et
le Service Municipal d’Hygiène de la Ville de New-York [9]. En France,
sa présence dans des logements humides n’avait pas été mise en évidence
jusqu’à 2002 car d’une part les DDASS ou Services Communaux d’Hygiène
et de Santé n’effectuent pas de recherche mycologique lors des visites
qu’ils effectuent à la demande de la population , d’autre part la
technique microbiologique utilisée jusqu’alors (échantillonnage de
l’air ambiant) ne se prête pas à l’identification d’une moisissure
qui reste adhérente au mur humide (la technique à utiliser pour sa mise
en évidence est celle du papier collant : papier posé sur le mur à
échantillonner et reporté sur une lame pour son examen en microscopie
optique). De ce fait, la toxicité de cette moisissure n’est pas liée
à son caractère infectieux mais à la production
par son métabolisme, de toxines volatiles (stachylysine,
stachybotriotoxine). Ces dernières ont plusieurs propriétés :
neurotoxicité, hématotoxicité, action irritative respiratoire, immunodépression.
Ces toxiques, par leur structure chimique, font partie de la famille des
composés organiques volatils. Aldéhydes
et composés organiques volatils (C.O.V). Les
aldéhydes,
au
premier rang desquels figure
le formaldéhyde, sont essentiellement utilisés dans l’aménagement intérieur
de la maison (cloisons, faux plafonds). Les
C.O.V,
utilisés
au quotidien dans l’entretien du
logement (cires, vernis, colles, peintures, parfum d’ambiance, etc)
exercent essentiellement un effet irritatif sur les voies aériennes, supérieures
et inférieures. Ils pourraient également intervenir dans la genèse du
« Syndrome des bâtiments malsains » [10] qui
associe à ces derniers symptômes des signes généraux (asthénie,
fatigabilité, malaise général) et neurologiques (céphalées,
vertiges). Les aldéhydes ont, de surcroît, chez certains individus, un
effet immunogène, avec production d’IgE spécifiques. BIBLIOGRAPHIE
[1]
Charpin
D., Gouitaa M., Epidémiologie
des maladies allergiques respiratoires. In :
Traité
d’allergologie (Médecine-Sciences
Flammarion, Edit. ), 2003.
[2]
Europa funded public
health projects. Europa.en.int, 1999
[3]
de
Blay F.,. Fourgaut G, Hedelin
G., Vervloet D., Michel
F.B., Godard P., Charpin
D., Pauli G.. Medical indoor
environment councelor : role in the compliance with advice on
mite-allergen exposure. Allergy
2003 : 58 : 27-33
[4] Rylander
R.. Effects
after mold exposure. Which are the causative agents ? In :
Bioaerosols, Fungi and Mycotoxins : Health Effects, Assessment,
Prevention and Control, E Johanning ed, Fungal Research Group Inc. 2001,
pp 28-32.
[5]
Squinazi F..
Environnement intérieur et symptômes oculaires. Laboratoire Théa,
collection Librairie Médicale, 2002,
63 pages.
[6]
Boutin-Forzano
S., Charpin-Kadouch C., Bennedjai
N., Chabbi S., Dumon
H., Charpin D.. Wall
relative humidity : a simple and reliable index for predicting Stachybotrys chartarum infestation in dwellings. Indoor
Air
(sous presse).
[7]
Nelson
B.S. Stachybotrys chartarum, the toxic indoor mold. APS
net, November 2001.
[8]
American Academy of
Pediatrics, Committee on Environmental Health. Toxic effects of indoor
molds. Pediatrics 1998 ; 101 :
712-714.
[9] New York City
Department of Health & Mental Hygiene and Bureau of Environmental
& Occupational Disease Epidemiology. Guidelines on assessment and
remediation of fungi in indoor environments. http://www.ci.nyc.ny.us,
March 2003
[10]
Leroyer C.,
Dewitte J.D. Le syndrome des bâtiments malsains. In : L’Air
et la Santé, (Médecine-Sciences, Flammarion,
Edit.), 2004.
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